Tribune : La Management intuitif, clé du leadership ?

Dans certains milieux professionnels comme la cuisine par exemple, la hiérarchie y est forte et extrêmement bien définie : un chef, un sous-chef, des chefs de partie, etc… Alors, lorsque vous vous retrouvez dans un service aussi vertical sans véritable manager, cela peut vite devenir la zizanie. Un grain de sable dans une machine aussi bien huilée et tout part en berne. C’est le dysfonctionnement organisationnel. Alors, pour y remédier en redonnant à l’humain toute son humanité, le concept de management intuitif s’est développé dans les années 90.

Un mode de gestion plus humain.

Dans son ouvrage, « Le Management intuitif, vers l’entreprise collaborative », Meryem Le Saget, spécialiste des méthodes collaboratives et de la vision partagée, explique les bases du management intuitif et les avantages de ce mode de gestion. Elle défend l’idée que le manager est un être complet, actif et réceptif, dynamique et à l’écoute des autres, rationnel et créatif qui a le sens des responsabilités supérieur à un désir de pouvoir. 

Le principe du management intuitif est de mettre à profit son intuition et sa sensibilité au service de soi, de ses collaborateurs et de l’entreprise. Il consiste à manager un ou plusieurs collaborateurs avec subjectivité en demeurant à l’écoute des hommes, des femmes et des événements. Il se base également sur une collaboration accrue et une vision fédératrice de l’équipe. Ici, le « diviser pour mieux régner » n’est pas de guise et se montre bien souvent inefficace sur le long terme avec un turn-over important en raison d’un mauvais climat au travail.

Selon Meryem Le Saget, « le leader doit créer une sous-culture non- pesante pour faire régner une bonne ambiance dans son équipe. » En somme, il doit devenir un gestionnaire plus humain et faire preuve de qualités d’ouverture et réceptivité telles que l’empathie, la pédagogie, l’intuition et la souplesse. L’experte s’avance même à dire qu’il doit pouvoir lire entre les lignes et entendre ce qui n’est pas dit, un peu comme s’il « captait les pensées des individus ». Le manager de demain doit être conscient qu’il dirige d’abord des personnes qui aspirent à être considérées pour leurs qualités propres et leurs contributions particulières. Ainsi, l’intégrité et la transparence deviennent les conditions nécessaires à la vitalité d’une entreprise. Au contraire, si elle vit à l’heure des secrets d’antichambres, il y a fort à parier que les responsables et le personnel se dissimulent les choses.

Dans ce contexte, il devient difficile de se dégager de sa négativité, sa jalousie, sa colère et sa tendance à la comparaison qui prédominent sur l’énergie créatrice. Or, l’entreprise doit créer les conditions qui favorisent cette composante non- conventionnelle de l’intelligence. Elle aura d’un côté le manager dynamique qui a développé sa sensibilité et son ouverture d’esprit et de l’autre, la personne réceptive et sensible qui aura développé son pôle actif. Chacun y trouve son équilibre. 

Des « soft skills » ou compétences douces précieuses.

Pendant longtemps, les théories du management se sont polarisées autour de deux modes de pensées bien distincts : le rationnel et l’intuitif. Le rationnel désignant l’analytique, le linéaire, le séquentiel et l’intuitif, lui, rattaché au global, au relationnel, au simultanée. Aujourd’hui, de plus en plus d’entreprises constatent qu’un bon manager doit aussi faire preuve de qualités humaines et de compétences relationnelles. L’écoute, l’empathie, la souplesse, la flexibilité, l’habilité à communiquer de manière transparente sont autant de « compétences soft » précieuses à l’entreprise. Elles permettent de sentir les choses au-delà des faits, de mieux percevoir les événements, de comprendre les personnes et les phénomènes de groupe, et donc, de mieux agir. L’individu qui a acquis une vraie solidité intérieure lui permettant de développer toute sa personnalité avec authenticité sera à même de créer une dynamique de confiance entre lui et le(s) récepteur(s). De ce fait, c’est tout le processus de mise en oeuvre qui en sera renforcé. 

Depuis la crise sanitaire, ces qualités de réceptivité et de coeur commencent à refaire surface. Il n’est pas rare de voir des collaborations entre associations de lutte contre la faim et restaurateurs, commerces et petits producteurs, etc. Elles sont le siège de la motivation intrinsèque, de la confiance, de la créativité et du sens. Malheureusement, certains managers, leaders et chefs sous-évaluent encore, et souvent par manque de connaissances, l’importance du quotient émotionnel (QE).

Et pourtant, le psychologue américain, Daniel Goleman, dans son ouvrage sur l’intelligence émotionnelle, démontre la contribution du QE dans l’efficacité du leader. De même que les neurosciences apportent un fondement scientifique évolutif mais incontestable au rôle de l’intuition dans la création de valeur. La levée des connexions habituelles ou de contrôles intellectuelles libère des pôles de créativité dans le cerveau et favorise un glissement vers un équilibre mental plus primitif, inaccessible par la pensée rationnelle et déductive. 

Intuition n’est pas émotion ni improvisation.

Prix Nobel de l’économie en 2002 pour ses travaux en psychologie cognitive, Daniel Kahneman a démontré que l’intuition n’est fiable que si l’émotion ne s’en mêle pas. Parmi ses émotions, la peur est le principal obstacle à l’intuition. La peur du risque, la peur du jugement des autres, de se remettre en question, freinent la productivité, la coopération et la création d’idées nouvelles. En somme, rien de pire qu’avoir un responsable sclérosé par la peur. 

Toutefois, la crise sanitaire actuelle a montré que ne pas pouvoir se projeter rendait les personnes particulièrement vulnérables. De plus en plus d’entrepreneurs et chefs d’entreprise ont redécouvert la puissance de l’inspiration et de la détermination pour se sortir des moments difficiles et garder le moral des troupes. En effet, l’intuition nécessite de prendre le temps pour méditer, écouter ses sensations, dominer ses émotions et ralentir contribuant ainsi à garder un esprit calme et lucide.

Ce contexte favorise la mise en place d’une communication éclairée et transparente et permet notamment d’effectuer des évaluations au moyen d’indicateurs de mesure du rendement. Le « perceived usefulness » et le « perceived ease of use » sont deux moyens d’évaluation du rendement utilisés notamment dans la création de produits électroniques et d’application ou dans le design. Le premier mesure la capacité d’un système à favoriser la performance au travail. Le deuxième vérifie qu’un dispositif sera facile d’utilisation. La vision est donc un outil puissant par sa capacité d’inspiration. Elle sécurise et donne envie de se lancer dans l’aventure en y investissant le meilleur de soi-même. Elle permet d’accuser le changement et de le gérer.

D’ailleurs, la crise du Covid a forcé une transition majeure à l’échelle collective. L’avancée du télé-travail, la distanciation sociale, le renforcement des inégalités sociales et économiques ont mis en exergue cet esprit de solidarité et de foi profonde en l’avenir démontrant ainsi que le changement est un facteur essentiel à l’évolution. 

Pour conclure, un manager intuitif rencontrera davantage de facilité et d’efficacité dans son action s’il est actif et réceptif, rationnel et créatif et à l’écoute des autres. Se confronter régulièrement à d’autres univers que le sien, à d’autres cultures, par les voyages, l’art, les sciences, la poésie ou la musique permet d’élargir ses possibilités, d’ouvrir son esprit et de découvrir des disciplines différentes de la sienne. D’autant plus, qu’il serait dommage, surtout en ce moment, de se couper de cette source importante d’équilibre et d’efficacité. 

La plume gourmande

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